samedi 26 juillet 2008

Statut social et rôle économique des peintres brugeois à l'époque des états bourguignons.


Les peintres au bas moyen-âge sont avant tout des artisans regroupés au sein d'un « métier » définit par des cadres juridique très strict, et dont les maîtres, hormis quelques exemples célèbres comme van Eyck ou Memlinc, ne gagnent pas plus que les maîtres d'un autre « métier ». Il faut préciser cependant qu'il n'y a pas de normes, et la réalité montre de grandes disparité dans la situation financière de ces mêmes peintres.

Les peintres brugeois furent regroupés en métier dés 1358, ce métier ''des peintres et selliers'' sous le patronage de saint-Luc, regroupait à Bruges de 1454 à 1530 prés de 500 personnes (apprentis et maîtres confondus). Sept professions étaient réunies au sein du métier des peintres et selliers : Les peintres et imagiers, les peintres décorateurs et d'étoffe, les selliers, les bourreliers, les sculpteurs d'arçons, les verriers et les miroitiers. La Tâche du peintre ne se résume pas à cette époque à peindre sur panneau ou sur toile, mais à pratiquer sont art sur de nombreux autres supports, voir d'exercer certains travaux à priori incompatible avec les compétences d'un peintre. Aussi voit on Van Eyck alors qu'il est déjà en faveur auprès du duc de Bourgogne accepter de peindre et redorer les statues de la façade de l'hôtel de Ville de Bruges. Le cas du peintre travaillant pour Philippe le Hardi, Melchior Broederlam (1350-1410?), est tout aussi intéressant et illustre la multiplicité des taches qui pouvaient être confiées alors à un peintre de cour, « Son maître l'emploie [...] à tous les travaux qui relèvent de la compétence d'un maître peintre à la fin du moyen-âge, depuis la peinture des bannières (à l'huile!), des sièges et des galeries en bois jusqu'à la décoration d'une gloriette étincelante, toute dorée à la feuille, et à la préparation de maquettes et dessins pour ''l'ordonnance des carrelages''. »1. D'autres, encore, tel le Douaisien Nicaise de Cambrais, élargissent le champs de leur activité bien au delà du domaine de la peinture en organisant des divertissements pour la cour. Celui-ci, qui organisait à Bruges en 1419, « certain jeu, histoire et moralité sur le fait de la danse macabre », pouvait se féliciter d'avoir garder un rapport plus ou moins étroit avec l'art, si l'on songe qu'Aernout Raet et Jeahan Dubus exercèrent respectivement les professions de boulanger et de fromager!

La commande n'était pas le préalable à toute réalisation, les ateliers disposaient de toiles achevées et destinées à la ventes. C'est durant le XVe siècle que cette pratique s'est développée au point de faire de Bruges une place centrale du marché de l'art. Devant leur ateliers, les peintres disposaient de boutiques ou comptoirs sur lesquelles les œuvres étaient présentées. L'utilisation de ces «[...]boutiques et vitrines était sévèrement réglementée par les corporations de peintres[...] ».
A tel point que « Jusqu'en 1463, les peintres brugeois spécialisés dans la peinture sur toile [dont il reste très peu d'exemples] -les Cleerscrivers- pouvaient seulement travailler sur commande. Il leur était interdit de tenir boutique ou d'exposer leur œuvres sur un comptoir. Un certain nombre de conflits juridiques indiquent pourtant que ces règlements étaient régulièrement outrepassés. Le magistrat de la ville finit donc par autoriser tout le monde à ouvrir un comptoir ou une boutique . Un peintre qui ne possédait pas de comptoir devant son atelier avait le droit d'exposer ailleurs, seul ou avec des collèges. Les -Cleerscrivers- vendaient par exemple leur production dans le quartier du pont Saint-jean. »2

A Bruges, mais aussi a Gant, toutes importation de peinture était quasiment interdite ou lourdement taxée. La seule exception était la période de la foire annuelle, qui constituait pour la majorité des peintres le point d'orgue de leur saison. Durant cette période, chacun été autorisé a vendre et importer dans la ville des marchandises. Ces foires internationales donnèrent une nouvelle dimension à la vente et à la production de tableaux, elles contribuèrent également à établir le succès de la peinture flamande bien au delà des Pays-Bas. Une figure nouvelle apparaît avec ce commerce : le marchand de tableaux. « A Bruges, les marchands de tableaux pouvaient seulement vendre des tableaux dans leurs ''auberges'', a condition d'en avoir reçu l'autorisation du métier des peintres. Pierre van Middemblijc et martin van Axele furent admis à la gilde des libraires en tant que marchand de gravures. Le commerce d'art était souvent une profession complémentaire.[...] Il est probable que les courtiers intervenaient comme marchand d'objet d'art. Les courtiers de Flandre tenaient des ''auberges'' et se trouvaient obligatoirement mêlés à toute transaction commerciale entre étrangers, ce qui leur permettait de jouer un rôle stratégique dans l'exportation des marchandises, [et donc de tableaux]. Toutefois à l'échelle locale « les marchands les plus importants étaient [...] encore les artistes eux mêmes. [...]. Les clients étrangers s'approvisionnaient dans les boutiques et sur les foires. En 1444, un marchand de Valence (aragon) reçut du général Berenguer Mercader la mission d'acheter à Bruges un Tableau de Jean van Eyck, qui devait être offert au Roi Alphonse V d'Aragon. Gregori trouva un saint-Georges et le dragon de la main du maître et, en mai 1444, il fournit le tableau à Mercarder en échange de 2000 réaux. En 1460, la Florentine Alessandra Strozzi demanda à ses fils d'acheter à Bruges des peintures sur toile, pour un maximum de 3 florins pièce. Son fils Lorenzo acheta une Adoration des Mages, un paon en feuillage et une sainte face. Il les envoya à sa mère, qui conserva la dernière œuvre et réalisa un gros bénéfice sur la vente des autres.[...].»3. Ceci illustre tout autant l'échelle à laquelle se déroulent les échanges que la portée du succès de la production flamande.

Si quelques traits particuliers de la production brugeoise, succintement évoqués dans cet article, ont pu participé au "succés" international la peinture flamande, il serait néanmoins tout à fait illusoire de l'expliquer en s'appuyant uniquement sur les modalités de production et d'échanges.
En effet la peinture flamande stupéfait d'abord ses contemporains par la splendeur de la technique à l'huile, et c'est cet aspect novateur à l'époque, qui est aujourd'hui encore souvent mit en avant. Toutefois, un autre élément peut avoir, soutenu par le caractére réaliste de la peinture flamande, contribué à la renommée de celle-ci : la piété.

C'est cette piété qui inspire, comme le note Michel-ange non sans condescendance, soupirs et larmes aux hônnetes gens d'italie. Cette derniére précision n'est d'ailleur pas annodine, car il va sans dire que la spontaineité de la peinture flamande du faire grande impression dans une italie dont les formes d'expressions, alors sensiblement marqué par la première renaissance, amoindrisaient inmanquablement la vigeur de tout message religieux. Peut-être est-ce pour cette raison qu'Alessandra Strozzi en parlant de cette même Sainte face flamande, devait ajouter à son fils que, si par force elle devait renoncer à un tableau, jamais elle ne se séparerait de lui car c'était une « figura divota et bella ».


1.Erwin Panofsky. Les Primitifs flamands, chap III, le problème de la Bourgogne. P169.
2.Maximiliaan P.J Martens. in Les Pimitifs flamands et leur temps. La clientèle du peintre. P176
3.Maximiliaan P.J Martens. in Les Pimitifs flamands et leur temps. La clientèle du peintre. P178.

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